Le Peer to Peer
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Le peer to peer ou P2P est un système d'échange de fichiers. Il semblerait qu'il y ait en France 750 000 utilisateurs réguliers et 8 millions d'utilisateurs occasionnels du P2P. La Fondation Internet nouvelle génération FING et l'association française de l'Internet mobile AFIM ont estimé que le P2P représentait en 2004 60% du trafic ADSL et jusqu'à 80% la nuit.
Or le P2P porte atteinte aux droits d'auteur. Il va à l'encontre du monopôle d'exploitation accordé aux auteurs car il permet un accès gratuit aux œuvres sans aucune autorisation de leurs créateurs, ce qui entraîne un important manque à gagner pour ceux-ci et l'industrie du disque.
Le traitement des données personnelles
La loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel a d'ailleurs autorisé les sociétés de perception et de répartition de droits d'auteur à former, sous l'œil vigilent de la CNIL, des fichiers ou listes noires des contrevenants qui téléchargeraient des œuvres sans autorisation.
« Les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en œuvre que par :
- Les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales ;
- Les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l'exercice des missions qui leur sont confiées par la loi ;
- Les personnes morales mentionnées à certaines dispositions du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d'atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d'assurer la défense de ces droits. »
Sanctions du téléchargement
Les téléchargements contraires aux droits des auteurs sont passibles de 3 ans d'emprisonnement et de 300 000 € d'amende au titre de la contrefaçon. Celles-ci passent d'ailleurs à 5 ans de prison et 500 000 € d'amende lorsque le délit est commis en bande organisée. Les maisons de disques et producteurs de films se basent sur le code de propriété intellectuelle pour agir contre les internautes qui téléchargent des œuvres.
On a déjà eu affaire à des condamnations. Or si on assiste à des condamnations d'utilisateurs, c'est parce que les actions contre les éditeurs de logiciels P2P risquent d'être infructueuses. En effet, si le site Napster a été fermé et la société éditrice du logiciel condamnée, c'est parce qu'il s'agissait d'un système centralisé de serveurs, alors que les logiciels P2P font appel à des échanges interpersonnels, le système est décentralisé. Les éditeurs de ce type de logiciels ne peuvent pas être tenus pour responsables de l'utilisation fautive des utilisateurs. C'est notamment ce qu'a jugé la Cour d'appel d'Amsterdam qui a autorisé Kazaa à distribuer sur son site son logiciel de partage de fichiers. Les sociétés de production et d'édition de musique ou de films se retournent alors contre les utilisateurs.
Le Tribunal correctionnel de Vannes, dans l'affaire Ministère public, Fédération nationale des distributeurs de films FNDF, Syndicat de l'édition vidéo et autres c/ Claude Le C., Michel Le M., Grégory L., David Le M., Ronan le G., Stéphane S., le 29 juillet 2004, condamnait des internautes pour le téléchargement et le partage de films alors même qu'aucun commerce n'avait lieu. Les prévenus ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis et au versement de dommages et intérêts aux parties civiles.
Le 2 février 2005, un internaute se voyait condamné à 3 000 € avec sursis et à 10 200 € de dommages intérêts pour avoir téléchargé plus de 10 000 fichiers MP3. Il plaidait l'exception de copie privée mais le TGI de Pontoise ne l'a pas retenue.
L’exception : la copie privée
En effet, selon le code de propriété intellectuelle, « Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l'exception des copies des œuvres d'art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l'œuvre originale a été créée et des copies d'un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l'article L. 122-6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d'une base de données électronique ; ».
Dès lors que la copie est faite, non pas pour être mise à disposition du public mais pour l'usage exclusif du copiste, celui-ci peut invoquer cette disposition.
Cette exception légale a été retenue par le TGI de Rodez dans un jugement en date du 13 octobre 2004. L'internaute contrevenant avait téléchargé ou gravé 488 films, il a été relaxé car il utilisait les fichiers téléchargés uniquement à des fins privées. Il usait simplement de cette faculté de copie privée. Cependant les parties civiles dont le syndicat de l'édition vidéo (SEV), la fédération nationale des distributeurs de films(FNDF) et le studio Twentieth Century Fox ont fait appel et le ministère public a réclamé 5000 € contre le copieur relaxé.
Or le 10 mars 2005, la cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement de 1ère instance. « Attendu qu'on ne peut déduire des seuls faits que les copies réalisées ne l'ont pas été en vue de l'usage privé visé par le texte. »
Dès lors qu'il n'y a pas de mise à disposition du public, de partage, l'exception de copie privée peut être retenue. La loi ne distingue pas selon la source de l'œuvre copiée, le juge fait une interprétation stricte des textes. L'origine illicite des copies n'a pas été prouvée en l'espèce. Et la Cour ne s'est pas prononcée s'il y avait lieu de distinguer selon que l'œuvre copiée a été acquise licitement ou non. Cela signifierait que la copie est autorisée quelque en soit la provenance, dès lors qu'elle est dédiée à un usage strictement privé et que son origine illégale n'a pas été prouvée.
Or cette idée est loin d'être partagée par tous. La doctrine est divisée. L'exception de copie privée ne peut pas s'appliquer aux téléchargements de fichier sur réseau P2P. En effet ces réseaux sont basés sur l'idée d'échange de fichiers, un usage strictement privé de ces fichiers ne peut donc être valablement invoqué. Il y a téléchargement d'une œuvre qui est illicitement diffusée sur Internet, il n'est donc pas possible de copier librement cette œuvre. Il faudra donc attendre l'arrêt de la cour de cassation, car les parties civiles se sont pourvues en cassation. Le SEV désire restreindre cette exception de copie privée, pour lui celle-ci ne devrait être valable qu'en cas de copie à partir d'une diffusion autorisée. Ce sera donc à la Cour de cassation de trancher car à ce jour la jurisprudence est assez contradictoire.
Non seulement, on a assisté il y a peu à la condamnation d'Alexis B. par le TGI de Pontoise, mais le TGI de Paris, dans une décision du 30 avril 2004 avait validé les systèmes anticopie, estimant que la copie d'une œuvre éditée sur support numérique portait atteinte à son exploitation normale. Or ces astuces anticopie empêchent la mise en œuvre de l'exception pourtant légale de copie privée.
La transposition en droit français de la directive du 22 mai 2001 sur les droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information, qui prévoit que les Etats membres doivent définir une protection juridique appropriée tout en s'assurant que les utilisateurs puissent bénéficier des exceptions ou limitations prévues par le droit national, dont l'exception de copie privée, dans la mesure nécessaire pour en bénéficier lorsque le bénéficiaire a un accès licite à l'œuvre protégée ou à l'objet protégé en question, est venue apporter quelques précisions à ce régime.