Le cautionnement à durée indéterminée conclu par acte sous seing privé est-il licite ?

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Que cela soit en tant que particulier ou en tant que chef d’entreprise, vous pouvez être amené à vous engager sur votre patrimoine personnel pour garantir la dette d’une tierce personne. Il convient de revenir sur l’acte de cautionnement, par lequel une personne, appelée caution, s’engage auprès d’un créancier à garantir la dette d’une autre personne, appelée débiteur, en cas de défaillance de ce dernier. Le droit français et la jurisprudence ne cessent d’encadrer cette pratique. Ainsi, par un arrêt rendu le 15 novembre 2017, la Haute juridiction valide un engagement de cautionnement conclu par actes sous seing privé pour une durée indéterminée. Avocats Picovschi vous explique cette décision.

Les principes applicables avant cette décision

Par principe, l’engagement de cautionnement est un contrat consensuel où seul le consentement exprès est exigé (article 2292 du Code civil). Ainsi, aucun formalisme n’est exigé. Cependant, dans un but de protection de la caution, le droit français a imposé un certain formalisme, notamment dans l’hypothèse où la caution est une personne physique et qu’elle contracte sous seing privé avec un créancier professionnel.

En effet, s’agissant d’un acte grave pour la caution, personne physique, elle doit prendre conscience de la portée de ses engagements. À ce titre, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, la caution doit rédiger une mention manuscrite, à peine de nullité du cautionnement (article L.331-1 du Code de la consommation). Le formalisme exigé est plus strict lorsque l’acte est passé par acte sous seing privé. À l’inverse, lorsqu’il s’agit d’un acte authentique, c’est le principe du consensualisme qui vient à s’appliquer : aucune mention manuscrite n’est exigée. En effet, le professionnel du droit, par exemple le notaire ou l’avocat, a un devoir de conseil à l’égard de ses clients. Il pourra vous éclairer sur la portée des engagements que vous envisagez .

En outre, l’article L331-1 (autrefois codifié à l’article L341-2) exige que la durée du cautionnement soit indiquée avec précision dans la mention manuscrite. Par conséquent, il était possible de considérer qu’un acte de cautionnement conclu par une personne physique avec un créancier professionnel sous seing privé ne pouvait pas être à durée indéterminée, mais devait être limité dans le temps. Selon cette analyse, l’acte authentique aurait donc été nécessaire pour conclure un contrat de cautionnement à durée indéterminée.

Toutefois, le Code de la consommation prévoit également une obligation d’information en cas de contrat conclu à durée indéterminée. Ainsi, lorsque le contrat est conclu avec un créancier professionnel, celui-ci a, en vertu de l’article L333-2 (anciennement codifié à l’article L341-6 du Code de la consommation), une obligation d’information annuelle envers la caution concernant :

  • les montants restant à payer par le débiteur
  • sa faculté de révoquer son engagement, lorsque celui-ci est à durée indéterminée.

Ce texte ne précisait pas s’il s’appliquait aux engagements pris par actes authentiques ou s’il était également applicable aux actes de cautionnement conclus sous seing privé.

Si cet article s’appliquait à tous les actes de cautionnement, la conclusion d’un engagement à durée indéterminée pourrait alors sembler être prévue, organisée pour les actes pris sous seing privé. Certains professionnels considéraient ainsi que les dispositions de l’article L333-2 (ancien article L341-6) ne s’appliquaient qu’aux engagements pris pour les actes authentiques. Mais cela n’a pas été la solution retenue, en l'espèce, par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 15 novembre 2017

Les faits de l’espèce

En l’espèce, par deux actes conclus sous seing privé, une personne physique s’était portée caution solidaire des factures émises par une société auprès d’un créancier professionnel « jusqu’au paiement effectif de toutes les sommes dues ». Suite à la liquidation judiciaire de la société débitrice, le créancier avait assigné la caution, personne physique, en exécution de ses engagements. La cour d’appel de Poitiers, dans un arrêt rendu le 3 novembre 2015, condamne la caution solidaire au paiement des sommes dues, au titre du cautionnement.

La caution se pourvoit en cassation et fait grief à l’arrêt de la condamner à payer et s’appuie sur trois arguments :

1°/ Selon la caution, l’engagement de cautionnement qu’elle a souscrit est à durée indéterminée. Dès lors, il ne répond pas au formalisme strict qui est exigé à peine de nullité, par les articles L. 341-2 (ancien) et suivants du code de la consommation qui impose, selon elle, de préciser la durée du cautionnement.

2°/ Ensuite, elle considère que la mention « jusqu’au paiement effectif de toutes les sommes dues » ne lui permettait pas d’avoir une parfaite connaissance de la durée indéterminée de ses engagements. Pourtant, il est exigé par la jurisprudence que la caution soit informée de manière claire et non équivoque de ses engagements, pour qu’elle puisse consentir de manière éclairée. La caution reproche ainsi à la Cour d’appel de valider un engagement à durée indéterminée de caution contracté par actes sous seing privé alors que ce type d’engagement devrait être conclu par acte authentique. 

3/ Enfin, la caution critique la solution retenue par la Cour d’appel concernant le caractère disproportionné de son engagement. Dans un premier temps, celle-ci vient considérer que son engagement est, en effet, disproportionné par rapport a ses revenus. Mais dans un second temps elle valide cependant l’acte de cautionnement considérant qu’ « en cas de cautionnement consenti, sans le consentement de son conjoint, par un seul époux marié sous régime de communauté légale, il est indifférent que les biens de communauté desdits époux ne soient pas engagés envers le créancier en vertu de l'article 1415 du Code civil... »

La solution retenue par la Cour de cassation

Le formalisme applicable au contrat de cautionnement à durée indéterminée

La Cour de cassation s’est fondée sur les articles L341-2 ancien et L341-6 du Code de la consommation pour valider le contrat de cautionnement. Elle a considéré que la mention « jusqu’au paiement effectif de toutes les sommes dues », parfaitement compréhensible, ne modifiait pas le sens et ni la portée de la mention manuscrite légale. Ainsi, il n’y avait pas lieu de retenir la nullité de l’acte.

Par cette décision, qui se fonde sur l’article L341-6 pour valider le cautionnement, la chambre commerciale de la Cour de cassation modifie les principes applicables jusqu’à ce jour. Elle considère que la mention selon laquelle la caution s'engage jusqu'au paiement des sommes dues est valable dans la mesure où elle peut être comprise par la caution.

Cependant, dans un arrêt rendu peu de temps après, la chambre commerciale réaffirme que la mention manuscrite « implique l’indication d’une durée précise », en ce sens où les termes « ou toute autre date reportée d’accord » ne peuvent être considérés comme conformes à l’article L341-2 (Cass. Com, 13 décembre 2017, n° 15-24.294).

L’appréciation du caractère proportionné d’un engagement pris par un époux marié

Pour les juges du quai de l’horloge, peu importe que le créancier ne puisse pas effectivement engager les biens communs, ces derniers peuvent être pris en compte lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté de biens. Il est donc impératif d’effectuer une distinction entre la saisissabilité des biens et l’appréciation de la disproportion.

Cette analyse n’est pas une première dans l’appréciation du caractère disproportionné (ou non) de l’engagement de caution. En effet, une décision en ce sens avait déjà été rendue (Cass. Com, 22 février 2017, n° 15-14.915).

En cas de contentieux concernant les problématiques complexes et techniques de la validité du cautionnement, avoir recours à un expert en droits des affaires et en droit bancaire à l’affut de l’actualité vous permettra d’établir les meilleures stratégies afin de faire valoir vos droits.

Avocats Picovschi se tient à votre disposition en cas de contentieux et mettra tout en œuvre pour vous défendre.

Sources : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 novembre 2017, 16-10.504, Publié au bulletin ; lexis360.fr, « Non-respect du formalisme, du principe de proportionnalité et du devoir de mise en garde en matière de cautionnement », par Dominique Legeais, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 1, 11 Janvier 2018, 1010.

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