La réforme de l'abus de bien social ou comment dépénaliser le Droit des Sociétés
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En matière pénale, le monde des affaires a subi plusieurs mouvements, l'un de pénalisation et l'autre de dépénalisation.
La pénalisation a débuté depuis le Code pénal Napoléonien de 1810 puis diverses lois ont suivi, dont le décret-loi du 8 août 1935 où de nouvelles infractions apparaissent à l'image de l'abus de biens sociaux.
Par ailleurs, la Loi n°66-537 du 24 juillet 1966 relatives aux sociétés commerciales complétée par un décret n°67-236 du 23 mars 1967 a finalisé ce mouvement tout en débutant néanmoins une dépénalisation.
A partir de 2001, la tendance s'inverse ; le législateur dépénalise le droit des sociétés. La dépénalisation résulte de la Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les Nouvelles Régulations Economiques.
D'autres lois s'en sont suivies, et aujourd'hui une nouvelle réforme confirmant cette tendance semble poindre le jour.
En effet, Nicolas SARKOZY a déclaré lors de son intervention à l'université du MEDEF en date du 6 septembre 2007 qu'il avait l'intention de réformer le droit des sociétés, sous la forme d'une dépénalisation, afin d'amoindrir le risque pénal encouru par les chefs d'entreprise en raison d'erreurs de gestion.
La réforme envisagée vise ainsi le délit d'abus de biens sociaux, l'infraction en col blanc encourue seulement par les dirigeants sociaux de sociétés commerciales.
Ce délit était décrié puisque la jurisprudence l'avait rendu, au fil de ces décisions, quasiment imprescriptible et aisément punissable.
Il est défini aux articles 241-3, pour les sociétés à responsabilité limitée, et 242-6, pour les sociétés anonymes.
Selon ces derniers, le dirigeant social risque 5 ans d'emprisonnement et 375 000 € d'amende pour avoir fait, de mauvaise foi, un usage abusif des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix de la société.
Pour être constitué, ce délit requiert une action ou une abstention de la part du dirigeant social portant soit sur les biens, soit sur le crédit, soit sur les pouvoirs soit sur les voix de la société.
L'usage qui est fait doit être abusif, sinon il ne s'agit que de la gestion quotidienne.
A titre d'illustration, un dirigeant social fait un usage abusif du crédit de la société lorsqu'il signe un acte de cautionnement pour garantir son appartement personnel, il use abusivement de la capacité et de la réputation financière de la société.
L'abus de l'usage est caractérisé par l'atteinte anormale portée à la société, ledit usage est contraire à l'intérêt social. Lorsque le dirigeant, par exemple, ne réclame pas intentionnellement le paiement d'une dette, il porte atteinte au crédit de la société ; cet abus est sanctionné au titre de cette infraction.
De façon générale, la jurisprudence considère que dès lors qu'un acte ou une omission du dirigeant ne comporte pas de contrepartie réelle ou si un risque anormal est encouru par la société, alors l'abus est caractérisé.
Par ailleurs, cet usage abusif doit être fait à des « fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise » dans laquelle le dirigeant est directement ou indirectement intéressé.
L'intérêt personnel est entendu largement par la jurisprudence, il s'agit d'un intérêt qui peut être soit matériel soit moral : une rémunération excessive, un acte qui sert sa réputation, ou bien encore un acte pour bénéficier de bonnes relations avec un homme politique par exemple.
Le comportement du dirigeant social doit être enfin dicté par la mauvaise foi. Le dirigeant doit avoir conscience du caractère abusif de son acte ou de son omission.
Les juges du fond font découler cette mauvaise foi des faits. En effet, si tous les éléments susmentionnés sont caractérisés, alors ils en déduisent la mauvaise foi ; eu égard à sa position hiérarchique le dirigeant a nécessairement connaissance de ses obligations, il ne peut pas arguer de son ignorance.
Un acte sans contrepartie réelle, donc portant atteinte à la société, et au bénéfice du dirigeant emporte la caractérisation de la mauvaise foi.
Cette infraction est, en conséquence, assez aisée à constituer. Les dirigeants sociaux supportent ainsi une lourde responsabilité pénale.
Enfin, s'agissant d'une infraction délictuelle, la prescription est de trois ans, le point de départ étant fixé au jour de la commission des faits eu égard à son caractère instantané. Mais au regard de la nature occulte de cette infraction, la jurisprudence a reculé ce point de départ « au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans les conditions permettant l'exercice de l'action publique » (Cass.crim10/08/1981).
Il en résultait une imprescriptibilité de l'infraction, ce qui a été fortement critiqué.
La Cour de cassation a, en conséquence, modifié sa jurisprudence dans un arrêt rendu par la Chambre criminelle en date du 5 mai 1997. Elle y énonce que « la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises à la charge de la société ».
La dissimulation est une notion floue et elle était laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond.
Mais, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans deux arrêts du 14 juin 2006, a exercé son contrôle sur cette notion. Désormais, elle contrôle si les juges du fond ont suffisamment motivé la caractérisation de la dissimulation.
Ainsi, cette infraction semble devenir davantage encadrée, les juges ont commencé, et le législateur souhaite aujourd'hui une réécriture afin de libérer les chefs d'entreprise « du risque pénal à la moindre erreur de gestion » (Nicolas SARKOZY).
En effet, il est considéré que le texte infractionnel fait preuve d'une trop grande largesse dans sa définition et englobe ainsi une grande majorité de situations dont certaines qui ne sont pas importantes.
Cette épée de Damoclès qui pèse sur la tête des dirigeants sociaux est trop lourde et porte atteinte à la liberté d'entreprendre. Face à cette responsabilité pénale, les personnes peuvent renoncer à leur projet de société.
Aussi, Nicolas SARKOZY préconise de réformer cette infraction pour qu'elle soit redéfinie d'une manière plus restrictive afin de ne concerner seulement que les erreurs de gestion conséquentes.