L'adage « le criminel tient le civil en l'état »
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SOMMAIRE
L’adage prétorien « le criminel tient le civil en l’état » a conduit à un engorgement des tribunaux pénaux, avec une augmentation de constitutions de partie civile abusives. Le législateur prenant en compte cette situation a largement fait évoluer cet adage avec la loi du 10 juillet 2000 et la loi du 5 mars 2007. Si sa portée a été réduite, elle n’est toutefois pas nulle. Avocats Picovschi vous alerte sur ces abus et sur la procédure en vigueur.
« Le criminel tient le civil en l’état » : sens de l’adage
Cet adage était codifié à l’ancien article 4 du Code de procédure pénale et prévoyait que dès lors que les juridictions civile et pénale étaient saisies et que les deux actions portaient sur les mêmes faits, le juge civil devait surseoir à statuer. Il faut comprendre que le juge civil était donc obligé d’attendre que le juge pénal se prononce sur l’action publique avant de se prononcer lui-même. Le pénal jouissait donc d’une priorité sur le civil, le commercial et le prud’homal.
En plus d’être prioritaire sur le civil, la réponse pénale exerçait aussi une influence sur la décision civile : comment condamner une personne à indemniser sa victime au civil si elle n’était pas condamnée au pénal ?
Si à l’origine le but poursuivi par le législateur était de ne pas créer de contradiction entre les décisions du juge civil et celles du juge pénal, des abus sont très vite apparus, conduisant à un engorgement des tribunaux pénaux.
L’abrogation partielle de l’adage par la loi du 10 juillet 2000
Depuis la loi du 10 juillet 2000ayant introduit l'article 4-1 du Code de procédure pénale, l’adage ne s’applique plus concernant les fautes non intentionnelles. En conséquence, une indemnisation sur le fondement de l'article 1240 du Code civil (ancien article 1382) ou sur celui de l'article 452-1 du Code de la sécurité sociale reste possible alors même que le juge pénal a prononcé une relaxe.
De même, en cas de délits involontaires d'atteinte à la vie ou à l'intégrité de la personne, le juge civil peut se prononcer sur la faute civile sans attendre que le juge pénal statue.
À défaut, l’article 4-1 du Code de procédure pénale est considéré par la jurisprudence comme étant d'ordre public : ainsi, le juge civil doit suspendre d'office le prononcé de sa décision.
La loi du 5 mars 2007 : quand le criminel ne tient plus le civil en l’état
La règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état » a fait l’objet de vives critiques. Certains estimaient que cette obligation faite au juge civil de surseoir à statuer constituait un moyen, pour les personnes, souhaitant un gain de temps, de retarder l'issue de leur procès. Une majorité de plaintes avec constitution de partie civile n'avaient en effet que pour seul but de paralyser un procès, qu'il soit civil, commercial ou prud'homal.
Ce principe qui apparaissait comme prédominant afin de préserver toute contradiction entre les juridictions pénales et civiles est devenu petit à petit un outil au bénéfice de l'une des parties à un procès et une source de lenteur de la justice.
Or rappelons que l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950 fonde notamment le droit à un procès dans un délai raisonnable. Il est apprécié selon la complexité des faits soumis au tribunal.
La France a déjà fait l’objet de condamnation pour la lenteur de ses procédures, notamment par la Cour européenne des droits de l’Homme, qui par un arrêt du 28 novembre 2000 a indiqué qu'il « n'est plus possible aujourd'hui pour un État d'invoquer l'encombrement du rôle pour justifier la durée excessive des délais de jugement ».
C’est dans ce contexte que la loi du 5 mars 2007 est intervenue. Dans un souci de désengorgement des tribunaux et d’efficacité de la justice, elle a modifié l’article 4 du Code de procédure pénale en restreignant sa portée. Ainsi selon cet alinéa 3 « La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ».
Comment s’articulent les actions civiles et pénales ?
Désormais le principe selon lequel le criminel tient le civil en l'état n'est plus automatique, et ce alors même que les deux actions concernent le même litige et les mêmes personnes.
Dans un arrêt du 20 septembre 2017, la Cour de cassation a confirmé que lorsque l'action introduite devant la juridiction civile n'est pas fondée sur les infractions pour lesquelles une information était ouverte pour d’autres chefs d’accusation, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir au pénal (Civ. 1, 20 septembre 2017, n° 16-19.643).
Toutefois l’adage n’a pas été complètement abrogé et fait toujours l’objet d’une application partielle dès lors que la demande au civil ne concerne que la réparation du préjudice subi en raison de l'infraction pénale.
La loi du 5 mars 2007 modifiant l'article 4 du code de procédure pénale a ainsi remis en cause l'un des grands principes du droit pénal français selon lequel le criminel tient le civil en l'état. Depuis 2007, l’introduction d’une plainte avec constitution de partie civile et le fait d’avoir régulièrement procédé à la consignation prévue par la loi n’interdisent plus au juge civil de statuer.
Expert en droit pénal depuis plus de trente ans, Avocats Picovschi vous accompagne dans l’articulation de l’action publique et de l’action civile pour servir vos intérêts au mieux.
Sources : articles 4 et 4-1 du Code de procédure pénale.
Commentaires des lecteurs d'Avocats Picovschi
Internaute le 06/06/2015
Merci beaucoup, cette explication me sauve, j'en avais besoin.
Internaute le 07/02/2016
Merci, ma préoccupation est résolue.