Impatriation fiscale des salariés : quelles règles ?

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Jean Martin
Jean Martin
Ancien Inspecteur des Impôts

Nous bénéficions de l'expertise de notre of counsel, Jean Martin, ancien Inspecteur des Impôts.

| Mis à jour le 23/07/2024 | Publié le

Sommaire

Le régime fiscal des impatriés visé à l’article 155 B. du Code général des impôts (CGI) permet aux employés et dirigeants salariés d’entreprises venant exercer leur activité professionnelle en France de bénéficier de mesures temporaires d'exonération d'impôt sur le revenu, sous réserve de répondre à certaines conditions. Avocats Picovschi, compétent en Droit fiscal depuis 1988, se propose de décrypter ce dispositif atypique, très ciblé.

Qu’est-ce que le régime d’impatriation fiscale ?

Le régime d’impatriation s’adresse aux personnes salariées, domiciliées fiscalement hors de France au cours des cinq années civiles précédant celle de leur prise de fonctions dans l’entreprise établie en France qui les recrute et qui fixe leur domicile fiscal en France à compter de leur prise de fonctions dans notre pays. Il peut s’agir indifféremment des salariés détachés ou mis à disposition dans le cadre d’une mobilité intragroupe (soit par exemple, à partir d’une société mère étrangère vers sa filiale établie en France), comme de ceux directement appelés de l’étranger pour occuper un emploi dans une entreprise en France.

La doctrine administrative précise que « les personnes venues exercer un emploi en France de leur propre initiative ou qui ont déjà établi leur domicile en France lors du recrutement ne peuvent pas bénéficier du régime » (conf. Bulletin officiel des Finances publiques du 21 juin 2017 RSA-GEO-40-10-10 § 80).

Toutefois, au terme de son arrêt du 10 juin 2022, 9ème chambre, n° 20PA02279, la Cour administrative d’appel de Paris a estimé que toute personne qui postule de sa propre initiative à un emploi en France peut prétendre au bénéficie du régime fiscal des impatriés défini à l’article 155 B. du CGI. Parmi les « considérants », les juges ont souligné en substance que l’objectif du législateur lors de l’adoption du texte était d’encourager le recrutement de salariés étrangers de haut niveau en France, dans le cadre d’une mobilité interne au sein d’un groupe international ou d’un recrutement par une entreprise française.

Même si l’administration fiscale réputée pour ne pas vouloir perdre la face facilement a fait appel du jugement, Avocats Picovschi suit bien entendu attentivement de quel côté le Conseil d’État va pencher.

Le dispositif ouvre droit à l’exonération d’impôt sur le revenu sur le supplément de rémunération directement lié à l’exercice d’une activité professionnelle en France (soit en fait la prime d’impatriation), ainsi que sur la part de la rémunération se rapportant à l’activité exercée à l’étranger si elle est effectuée dans l’intérêt direct et exclusif de l’employeur.

De plus, l’exonération s’applique à hauteur de 50 % du montant, d’une part des revenus de capitaux mobiliers et certains produits de la propriété intellectuelle ou industrielle (dont le paiement est assuré par une personne établie hors de France dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale incluant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale), d’autre part des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux lorsque le dépositaire des titres ou à défaut la société dont les titres sont cédés est établi également hors de France (et conf. ci-dessus).

Corrélativement, les contribuables éligibles à l’optimisation fiscale peuvent déduire de leurs revenus imposables les cotisations versées aux Caisses de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire auxquels ils étaient affiliés avant leur arrivée en France.

Quelle est la durée de l’exonération ?

Le dispositif d’exonération s’applique uniquement au titre des années au cours desquelles l’impatrié a son foyer ou le lieu de son séjour principal en France et y exerce une activité professionnelle à titre principal.

Le non-respect de l’une de ces conditions cumulatives au titre d’une année n’exclut pas le bénéfice du régime pour les autres années, antérieures ou postérieures, au titre desquelles elles sont remplies.

Par ailleurs, compte tenu des contraintes professionnelles ou familiales susceptibles de survenir, le régime de faveur s’applique par mesure de tolérance au titre de l’année de prise de fonction en France, même si l’installation du foyer en France intervient au plus tard avant la fin de l’année civile suivant celle de la prise de fonction.

Par exemple, un salarié qui a pris ses fonctions en France en janvier 2023 peut prétendre au bénéfice du dispositif de faveur à compter de l’imposition des revenus de l’année 2023 s’il établit son foyer en France au plus tard au 31 décembre 2024.

Et s’il y installe celui-ci postérieurement à cette date, il n’est pas pour autant définitivement exclu du bénéfice de ce régime. Il aura la possibilité d’y prétendre pour les revenus perçus à compter de l’année au cours de laquelle interviendra cette installation. Plus concrètement, s’il a pris ses fonctions en janvier 2023 mais prévoit d’installer son foyer en France, seulement à compter de mars 2025, il pourra bénéficier du régime fiscal des salariés impatriés pour les revenus perçus depuis le 1er janvier 2025 et au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2031.

Mais dans tous les cas, la durée d’application est fixée au maximum jusqu’au 31 décembre de la huitième année civile suivant la prise de fonctions dans l’entreprise d’accueil, depuis le 6 juillet 2016. Cette durée permet par exemple, à une personne ayant pris son poste en France au 1er janvier 2022, de bénéficier du dispositif jusqu’au 31 décembre 2030, soit au total finalement pendant neuf années.

Bien entendu, le régime de faveur cesse de s’appliquer si le salarié quitte l’entreprise d’accueil avant ce terme, quand bien même il demeurerait fiscalement résident en France.

Cependant, il conserve l’avantage fiscal en cas de changement d’une part, de fonctions au sein de l’entreprise d’accueil, d’autre part, d’employeur au sein du même groupe, que ce soit ou non pour exercer des fonctions similaires à celles initiales.

En revanche, le maintien du dispositif en cas de changement de fonctions n’a pas pour effet de rallonger sa durée totale qui reste appréciée par rapport à la date de prise de fonctions primitive.

Quelles conditions pour la prime d’impatriation ?

Pour bénéficier de l’exonération de la prime d’impatriation, le contribuable salarié doit rester imposé en France sur un montant au moins équivalent à la rémunération perçue dans la même entreprise par un salarié non impatrié.

En pratique, le salaire imposable de l’impatrié doit, après exonération de la prime d’impatriation, rester au moins égal à une rémunération de référence correspondant à celle versée au titre de fonctions analogues dans l’entreprise ou le cas échéant, dans des entreprises similaires établies en France. Cette condition peut être appréciée au titre de la seule année d’installation si le montant de la prime est fixe et que les fonctions du salarié n’évoluent pas durant la période d’impatriation.

Mais pour être exonérée, la prime doit apparaître distinctement dans le contrat de travail ou de mandat social ou éventuellement dans un avenant à celui-ci, établi préalablement à la prise de fonctions en France.

Et à ce stade, comme « pour compliquer encore un peu plus », deux hypothèses doivent être envisagées …

  • Si la prise de fonction est intervenue avant le 15 novembre 2018 :

Lorsque l’employeur ne fixe pas précisément le montant de la prime d’impatriation, celle-ci doit être déterminée sur la base de critères objectifs et précis mentionnés dans le contrat de travail. La prime d’impatriation peut ainsi être déterminée en pourcentage de la rémunération de base comportant elle-même une part variable ou en pourcentage de la seule part variable de la rémunération.

Pour les embauches externes, l’employeur a la faculté de l’évaluer de manière forfaitaire, sans qu’elle ne dépasse 30 % de la rémunération totale.

  • Si la prise de fonction est intervenue après le 15 novembre 2018 :

L’option pour l’évaluation forfaitaire de la prime a été étendue aux salariés appelés par une entreprise implantée dans un autre État, auprès d'une autre établie en France.

Plafonnement de l’exonération et obligations déclaratives ?

Pour éviter de trop rêver … le bénéfice cumulé de l’exonération de la prime d’impatriation et de la rémunération liée à une activité exercée à l’étranger est plafonné.

Le salarié impatrié a le choix entre deux plafonnements …

  • Soit il opte pour un plafonnement global. Dans ce cas, l’exonération de la prime d’impatriation et celle de la rémunération liée à l’activité exercée à l’étranger ne peuvent excéder 50 % de sa rémunération totale imposable.
  • Soit il opte pour un plafonnement de la seule exonération de la rémunération liée à l’activité exercée à l’étranger. Dans ce second cas, le montant de cette part d’exonération ne peut excéder 20 % de sa rémunération totale imposable.

En raison du particularisme attaché à la nature même des revenus concernés, il convient d’évoquer les obligations déclaratives qui incombent aux employeurs et aux salariés.

L'employeur est tenu de déclarer distinctement le montant des salaires soumis à l'impôt sur le revenu et de ceux qui en sont exonérés.

Plus précisément, pour permettre à l’administration fiscale de se trouver en mesure de contrôler la réalité du droit pour le salarié au dispositif de faveur, l’employeur doit indiquer le montant total correspondant à la prime d'impatriation et à la fraction de la rémunération perçue en contrepartie de l'activité exercée à l'étranger qui bénéficie de l'exonération.

De son côté, le contribuable salarié impatrié doit veiller au moment de sa déclaration de revenus à faire état d’une mention expresse dans l’hypothèse où il opte pour l'évaluation forfaitaire de la prime d'impatriation et/ou pour l'un ou l'autre des mécanismes de plafonnement de l'exonération.

Impatrié : faites appel à un avocat fiscaliste

En essayant de « reprendre son souffle », il apparaît clairement que l’obtention de l’optimisation fiscale définie à l’article 155 B. du CGI relève d’une forme de course d’obstacles qu’il convient de franchir sans encombre.

En votre qualité de contribuable domicilié fiscalement hors de France, vous avez envie de venir (ou revenir) exercer une activité salariée en France ?

Entourez-vous d’un maximum de conseils avisés si vous entendez bénéficier du dispositif d’exonération prévu en la matière.

Ou vous êtes à la tête d’une entreprise établie en France qui souhaite recruter un salarié à l’étranger, répondant aux critères exigés pour un poste très spécifique ?

Soyez prudent avant de lui promettre monts et merveilles, du moins au regard du régime de faveur réservé aux impatriés. Et prenez les précautions indispensables pour vous trouver « dans les clous » au plan déclaratif au cas où votre salarié ouvre bien droit au dispositif fiscal privilégié.

Dans un tel contexte où la complexité des règles du jeu atteint son paroxysme (même si on veut bien admettre que le Législateur ne peut pas accorder des avantages fiscaux « à tout bout de champ, les yeux fermés »), songez le plus rapidement possible à vous rapprocher d’Avocats Picovschi en amont de vos projets.

Pourquoi ? Toute son équipe composée d’Avocats et de juristes aux cursus opportunément complémentaires, habituée au quotidien à décrypter des textes de loi parfois bien obscurs dans tous les domaines du Droit, se tient prête à répondre à l’ensemble de vos préoccupations et interrogations bien légitimes.

Et si jamais pour un motif ou autre, un Inspecteur des Finances publiques vient en aval de vos choix, mettre « son grain de sel » dans votre dossier parce que vous n’avez pas estimé opportun de vous prémunir contre tel ou tel écueil inhérent au régime bien spécifique des salariés impatriés, vous pouvez compter sur l’habileté et la pugnacité de ses Avocats fiscalistes pour défendre âprement vos droits.

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