Articulation de la procédure UDRP et un ordre juridique
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Le commerce électronique constitue pour les entreprises un nouveau mode de communication et de distribution permettant de conquérir de nouvelles parts de marchés.
Traditionnellement, elles communiquent en utilisant une "dénomination" commerciale ou sociale, une "marque" nominative ou figurative, une "identité visuelle" ou, encore, par une "idée originale" qu'elles peuvent créer afin de valoriser leur image ou leur produit…
Les limites actuelles de la technologie cantonnent globalement Internet au texte : plus précisément à une suite de caractères typographiques dont l'ordre est identifiable par la machine.
L'individualisation va découler de cette "suite typographique".
C'est donc ce qu'il va falloir protéger.
Mais si Internet ne permet que l'identification typographique, il permet la "réservation" de cette suite typographique ou "nom de domaine". Il permet aussi "l'enregistrement" apportant la preuve de l'antériorité, notion fondamentale lors de la revendication entraînant pour le créateur du droit de jouir seul de sa création.
Parallèlement, l'extraterritorialité d'Internet pose problème.
En effet, beaucoup se sont cru hors de portée du bras de la justice dont l'action leur semblait se limiter au "corporel" préhensible à l'intérieur des frontières d'un état.
Les conflits sont nombreux et il a fallu trouver des solutions.
Les conflits se sont principalement révélés, tant en France qu'à l'étranger par la pratique dite du cybersquatting, consistant à enregistrer des noms de domaines reproduisant des marques célèbres par des personnes non titulaires des droits de propriété intellectuelle sur ces signes. Pratiques facilitées par la règle " premier arrivé, premier servi " qui régit l'attribution des noms de domaines.
Les tribunaux condamnent unanimement cette pratique ayant pour seul objectif de spéculer sur le prix de la revente.
C'est l'absence de tout lien entre les systèmes d'enregistrement des marques et des noms de domaine qui a favorisé, en grande partie, ces litiges.
En effet, le système d'enregistrement des marques est administré par une autorité publique, sur une base territoriale, la marque bénéficiant ainsi d'une protection sur un territoire donné, sauf protection spécifique accordée pour la marque communautaire.
Le réseau Internet étant, quant à lui, par essence international, il est pratiquement impossible de confier la procédure d'enregistrement à une seule autorité nationale.
De plus, il existe un impératif technique fondamental : chaque autorité de nommage ne peut attribuer qu'un nom de domaine identique pour la zone dont elle a la charge, entraînant ainsi la règle dite du " premier arrivé, premier servi ".
De nombreux litiges ont donc surgi, ceci d'autant plus que l'enregistrement en " .com " n'était que très peu contrôlé et que toute entité pouvait s'y enregistrer sans avoir à justifier de la titularité des droits sur ledit nom.
Le " .com " étant le domaine de référence de la vie économique internationale, des esprits " avisés " ont vite compris l'intérêt d'enregistrer des noms de marques connus en noms de domaine.
Face à la nécessité de réaction rapide sur Internet, de nombreuses sociétés préféraient négocier au prix fort la récupération de leur nom de domaine plutôt que d'être empêchées, pendant toute la durée de la procédure, de communiquer commercialement sur ce nom.
En réponse à cette situation, l'Organisme Mondial de la Propriété Intellectuelle (OMPI) a rendu un rapport le 30 avril 1999 formulant des recommandations.
C'est sur la base de ce rapport que l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) a adopté des principes directeurs de règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine dits " UDRP ".
L'idée fondatrice est d'instituer un véritable ordre juridique puisque ces principes " UDRP " ont pour objectif d'uniformiser et de rendre obligatoire les procédures internationales. Et, le réservataire, après avoir déclaré que le nom de domaine ne porte pas atteinte aux droits des tiers, accepte lors de la procédure de réservation de se soumettre à " l'UDRP " en cas de conflit avec le propriétaire d'une marque antérieure enregistrée.
Toutefois, la procédure n'est applicable que pour les " .com ", " .net " et " .org " et certaines extensions nationales mais pas le " .fr " et elle ne concerne que les cas de cybersquatting avérés, les cas de fraude caractérisés ; seul le droit des marques est invocable à l'appui des demandes.
L'article 4 de " l'UDRP " prévoit la réunion de trois conditions cumulatives pour engager la procédure :
- le nom de domaine revendiqué est susceptible de prêter confusion avec une marque de produits ou de services du requérant,
- le détenteur du nom de domaine ne doit avoir aucun droit ni intérêt légitime sur ledit nom,
- le nom de domaine doit avoir été enregistré et utilisé de mauvaise foi.
Les unités d'enregistrement de noms de domaine qui se sont engagés à respecter les principes UDRP doivent appliquer la décision dans les dix jours, sauf en cas d'appel devant les tribunaux.
L'avantage de cette procédure est d'être une procédure rapide, cependant la décision rendue par l'institution de règlement a une force obligatoire toute relative. En effet, pour qu'elle soit exécutée il faut, d'une part, que l'unité d'enregistrement de noms de domaine se soit engagée à respecter ces principes et d'autre part, que les parties n'aient pas porté le litige devant les tribunaux judiciaires. La décision sera publiée en ligne dès que les parties auront reçu notification de la décision.
Cette procédure présente donc les caractéristiques de rapidité et de réactivité nécessaires au monde de l'Internet, cependant en plus du règlement " UDRP ", chaque organisme de médiation peut adopter des règles supplémentaires pour l'application des principes directeurs.
D'autre part, on retrouve dans ces différents organismes des experts de profession variée et ayant des approches toutes aussi différentes, tels que des universitaires, des avocats, des conseils en propriété industrielle ou encore des informaticiens.
Dans les faits, chaque institution va développer sa propre culture juridique, on obtiendra donc des motivations de décisions parfois contradictoires, et au lieu d'avoir un certain ordre juridique, il existe une multitude de pratiques.
De plus, l'ICANN étant un organisme privé, sa légitimité est amoindrie et, pour certains ces litiges particuliers devraient être réglés par une instance publique internationale constituée en vertu d'un accord international.
Aujourd'hui, les différends liés au cybersquatting de noms de domaine et d'organisations internationales intergouvernementales pourraient être résolus dans le cadre du règlement uniforme des litiges relatifs au nom de domaine (UDRP). Ceci n'est pas le cas concernant les noms patronymique et commerciaux, les appellations d'origines contrôlées et les dénominations communes internationales pour les substances pharmaceutiques.
Ce sont des suggestions de l'OMPI qui seront soumises en septembre 2002 à son Assemblée Générale.
En conclusion, dans une telle procédure, le fond de l'affaire n'est pas examiné et la décision rendue ne peut aboutir qu'au transfert ou à la radiation du nom de domaine.
Il est donc important de recourir, concomitamment à cette procédure, aux procédures dites classiques qui permettront de rendre la décision exécutoire, faire cesser les troubles commerciaux causés, d'obtenir des dommages et intérêts, à l'aide d'un double bras armé que sont l'Avocat et les juridictions traditionnelles.
Une action peut donc ainsi être intentée pour contrefaçon de marque à l'encontre de celui qui, sans droit, aura enregistré comme nom de domaine le signe distinctif dont il n'est pas titulaire.
De plus, une action en concurrence déloyale ou pour agissements parasitaires peut suppléer l'action en contrefaçon quand les conditions de mise en œuvre de cette dernière font défaut. Ainsi lorsque la marque antérieure n'a pas fait l'objet d'une demande d'enregistrement, ou de renouvellement ; ou que l'action est prescrite.
Toutefois, ces actions peuvent également être exercées conjointement, dans certains cas, afin d'attribuer une protection complémentaire.
Internet a donc essayé de créer en son sein des procédures permettant de gérer les conflits, il s'avère qu'elles ont des limites dans la mesure où elles ne permettent pas la contrainte réelle de l'adversaire indélicat qu'il faut appréhender sur le plan personnel ou patrimonial par des moyens plus traditionnels qui ont fait leurs preuves et mis en œuvre par des Avocats.