Abus de biens sociaux : quand y a-t-il prescription ?

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Par principe, l'abus de bien social est une infraction instantanée qui se prescrit en trois ans selon les dispositions de l'article 8 du Code de procédure pénale. Autrement dit, à l'issue d'une période triennale, aucune action en justice n'est plus recevable. Mais quid lorsque des manœuvres de celui qui est à l'origine de l'abus ont dissimulé le détournement ?

Il est fréquent, dans le monde des affaires, que le scandale n'éclate au grand jour que des années après la commission des faits délictueux. L'action peut-elle se trouver prescrite avant même que les personnes à même d'introduire une demande en justice ne soient informées de l'infraction ?

C'est cette situation qui a donné lieu à de multiples revirements de jurisprudence, jusqu'à constituer ce que certains qualifient de feuilleton judiciaire.

L'abus de bien social, une infraction instantanée

Selon les termes de la loi et de la jurisprudence, l'abus de bien sociaux est un délit qui réprime le fait pour tout dirigeant de société commerciale ou civile, de faire des biens ou de crédit de la société, un usage qu'il sait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement.

Quatre éléments doivent donc être réunis pour que l'infraction d'abus de confiance soit constituée :

  • un acte d'usage des biens, du crédit ou des pouvoirs
  • contraire à l'intérêt social
  • accompli dans un intérêt personnel
  • de surcroît, de mauvaise foi.

Théoriquement, dès lors que ces quatre éléments sont réunis, l'infraction est constituée : il s'agit d'une infraction instantanée. Court alors un délai de trois ans au cours duquel des poursuites peuvent être intentées.

La difficulté résultant du caractère clandestin de l'infraction

Ainsi qu'il l'a été précisé, les détournements revêtent souvent un caractère clandestin, de sorte qu'ils ne sont révélés au grand jour que des années après leur commission.

Une évolution jurisprudentielle sur le point de départ de la prescription tenant compte du potentiel caractère clandestin de l'infraction

C'est en prenant acte du fait que les abus de biens sociaux sont fréquemment dissimulés que la jurisprudence s'est progressivement affinée.

Dans un célèbre arrêt du 7 décembre 1967, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a repoussé le point de départ de la prescription « au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ».

Certains juges du fond avaient alors pu en déduire que le délai courrait à compter de la présentation des comptes annuels, partant du principe que les éléments comptables pouvaient permettre de détecter les abus.

La Cour de cassation devait alors préciser sa position en jugeant, le 5 mai 1997, que « la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises à la charge de la société ».

Autrement dit, le délai de prescription ne court pas à compter de la présentation des comptes annuels si des manipulations comptables sur lesdits comptes empêchent les associés de détecter les manœuvres frauduleuses.

Par ailleurs, il convient de préciser qu'un nouveau délai de trois ans court à compter de chaque usage abusif des biens de la société (voir notamment en ce sens l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 octobre 2003).

De vives critiques sur la solution adoptée par la Cour de cassation

Certains ont vivement critiqué cette conception de la prescription. Des avocats ont souligné que de fait, l'abus de bien social pouvait s'ériger au rang d'infraction imprescriptible, au même titre que les crimes contre l'Humanité, puisque le point de départ de la prescription pouvait être retardé aussi longtemps que l'infraction n'était pas découverte !

D'autres se sont élevés contre l'insécurité juridique résultant de la solution de la Cour de cassation : en effet, la notion de dissimulation pouvant être appréciée souverainement par les juges du fond, des divergences de position pouvaient apparaître en fonction des juridictions saisies.  

Des propositions d'évolution ont fait leur apparition : l'ancien conseiller d'Etat Pierre Mazeaud ou encore l'ancienne Garde des Sceaux Rachida Dati ont travaillé sur l'idée d'une réforme de la prescription. Pour l'instant cependant, ces propositions n'ont pas été suivies d'effets.

Une règle conforme à la constitution pour la Cour de cassation

Le 20 mai 2011, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a été saisie  de quatre renvois pour l'examen de questions prioritaires de constitutionnalité sur cette question, les demandeurs estimant notamment que la règle établie par les juges étaient contraire à l'impératif de sécurité juridique et au principe de légalité.

La Cour de cassation a cependant estimé que la règle actuelle est parfaitement conforme à la Constitution et aux dispositions du Code de procédure pénale.

Après avoir énoncé que la prescription n'est fondée sur aucun principe fondamental, ni aucune règle de valeur constitutionnelle, elle a jugé que les règles relatives à son point de départ et à l'incidence de la connexité satisfont au principe de prévisibilité, en ce qu'elles « sont anciennes, connues, constantes et reposent sur des critères précis et objectifs ». Dès lors, la Haute juridiction a retenu que la position jurisprudentielle est conforme au principe de légalité, dès lors qu'est assuré le droit à un recours effectif devant une juridiction.

La règle relative à la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux semble donc bien établie, et court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises à la charge de la société. La Cour de cassation a renforcé sa position par un arrêt de la chambre criminelle du 30 janvier 2013, où elle a jugé que le délit d’abus de biens sociaux ne courrait pas si le dirigeant avait volontairement dissimulé ses abus. En l’espèce, elle a considéré que tel était le cas lorsque les comptes annuels de la société ne permettent pas de révéler l’existence du délit (Cass. crim. 30 janvier 2013 n°12-80107).

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