Écoutes téléphoniques et atteinte au secret professionnel : le barreau en ébullition
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Dans le cadre d'une enquête judiciaire, Nicolas SARKOZY a été placé sur écoutes téléphoniques. En analysant les enregistrements, les enquêteurs auraient mis à jour un trafic d'influence et de violation du secret de l'instruction. L'ancien Président de la République aurait parlé avec son avocat de la possibilité de solliciter un magistrat de la Cour de cassation pour se renseigner sur une procédure en cours, relative à une autre affaire dans laquelle est cité Nicolas SARKOZY. Avocats PICOVSCHI profite de cette actualité pour revenir sur le secret professionnel et les écoutes.
Circonstances.
Nicolas SARKOZY aurait été placé sur écoute par la justice dans le cadre de l'enquête sur les accusations de financements libyens de sa campagne présidentielle de 2007. Faisant suite à l'analyse des enregistrements, il ressort des conversations téléphoniques de Nicolas SARKOZY et de son avocat, Maître Thierry HERZOG, la mise en cause d'un avocat général près la Cour de cassation.
Lors d'un échange téléphonique entre Nicolas SARKOZY et Maître HERZOG, aurait été évoquée la possibilité de solliciter le magistrat AZIBERT afin de se renseigner sur des procédures judiciaires en cours. En échange de ces informations, le magistrat aurait demandé l'intervention de l'ancien Président de la République pour obtenir un poste de conseiller d'Etat à Monaco.
La loi, garante du secret des conversations téléphoniques.
Un juge peut-il faire écouter les conversations entre un avocat et son client, comme l'ont fait les juges Serge TOURNAIRE et René GROUMAN pour Nicolas SARKOZY et Maître HERZOG ?
Le secret des correspondances téléphoniques étant garanti par la loi, l'administration (pour les écoutes administratives) ou la justice (pour les écoutes judiciaires) ne peuvent procéder à des écoutes que dans des cas précis. Le principe du secret des correspondances émises par la voie des télécommunications a été généralisé à toute correspondance privée. Le Code civil, à son article 9, ainsi que la Convention européenne de 1950, consacrent le droit au respect de la vie privée.
Les conversations téléphoniques sont soumises à un principe de confidentialité. Un juge ne peut utiliser les propos qu'une personne a tenus à son avocat, contre elle. Toutefois, une exception consacrée par la jurisprudence existe lorsque l'avocat est soupçonné d'avoir commis une infraction. Le juge doit disposer préalablement d'indices graves et concordants justifiant ses soupçons.
Quid des interceptions judiciaires, administratives et la coopération ?
L'écoute judiciaire est décidée par un juge d'instruction – comme dans le cas d'espèce –. Les juges d'instruction sont habilités à ordonner des écoutes téléphoniques, dans les conditions de fond et de forme prévues aux articles 100 et suivants du Code de procédure pénale. Il s'agit des interceptions judiciaires. Les agents procédant à l'interception et à la transcription sont assujettis au secret des correspondances et de l'instruction, sous peine des sanctions pénales. Une écoute peut ainsi être décidée pour une enquête.
A titre exceptionnel, les écoutes téléphoniques administratives sont autorisées par le Premier ministre sur proposition écrite et motivée du ministre de la Défense, de l'Intérieur ou chargé des douanes par la loi du 10 juillet 1991. Les transcriptions sont détruites dès que leur conservation cesse d'être indispensable à la réalisation des buts poursuivis. La décision d'interception est communiquée dans les 48 heures au Président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, habilité à recommander l'interruption d'une interception illégale.
Enfin, les prestataires de services de cryptologie sont tenus de fournir le document déchiffré sur réquisition des autorités judiciaires, dont les pouvoirs sont alors renforcés. Il s'agit d'une coopération avec les autorités judiciaires.
Cette affaire sur les écoutes téléphoniques entre l'ancien Président et son avocat nous permet de nous interroger sur la portée du secret professionnel.
La portée du secret professionnel entre l'avocat et son client.
La révélation d'une information « à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession […] est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. L'avocat est soumis à une obligation du secret professionnel ».
Le décret du 12 avril 2005 impose à l'avocat le secret de l'instruction en matière pénale. L'avocat doit en effet respecter le secret de l'enquête et de l'instruction en s'abstenant de communiquer, sauf pour l'exercice des droits de la défense, des renseignements extraits du dossier, ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une enquête ou une information en cours.
Le secret professionnel est un devoir exigeant touchant l'ordre public. Ce devoir est une condition de l'efficacité de la défense ainsi que du conseil. C'est sur la base de ce secret professionnel que l'avocat est en mesure de refuser de livrer certains renseignements au juge et à l'administration. Le barreau de Paris condamne toute violation du secret professionnel que la loi garantit dans les rapports entre un avocat et son client.
L'inviolabilité de la correspondance entre l'avocat et son client.
Ce qu'il faut retenir du secret professionnel c'est que la correspondance échangée entre un avocat et son client est protégée par le secret professionnel, secret qui se doit d'être total et absolu.
Le Code pénal, à son article 226-15, énonce le principe général du secret de la correspondance. Plus précisément, que ce soit dans le domaine du conseil ou de la défense, « les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celle portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ».
Le secret s'étend à tout mode de communication. La loi sur les écoutes téléphoniques le précise en ajoutant l'article 100-7 au Code de procédure pénale. Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile, sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction.
Cela porte-t-il atteinte aux droits de la défense ?
Le bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier SUR, s'est exprimé sur la controverse. Il estime que « le secret professionnel est absolu. Il n'est pas destiné à protéger l'avocat, mais à permettre au client de se confier librement à celui qu'il a chargé de la défense de ses intérêts ».
Plusieurs avocats s'insurgent contre ces écoutes qui forment, selon eux, une atteinte du droit de la défense et plus largement de la justice. « Nous alertons les pouvoirs publics sur le danger pour la démocratie de telles dérives ». L'objectif est d'assurer la garantie que les révélations faites par les clients à leur avocat ne puissent aucunement être divulguées. Le secret professionnel est perçu comme le socle de la défense, garantie des libertés individuelles dans un état de droit. Porter atteinte à ce droit menace l'indépendance de la profession.
Sans confidentialité des échanges entre l'avocat et son client, la défense peut-elle être réellement concevable ?
Sources : www.lemonde.fr, le 07/03/2014, « Placé sur écoute, Nicolas Sarkozy menacé par une nouvelle affaire », par Gérard DAVET et Fabrice LHOMME